S2s   Lecture analytique 2

 

Support : Etude du dialogue avec Marie : « Le soir, Marie ... dès qu’elle le voudrait. »

Problématique : Quelle vision de l’amour nous donne Meursault ?

 

Intro :

  • Albert Camus  (1913 en Algérie-1960 accident de la route ds l’Yonne) Journaliste, romancier (La Peste 1947), dramaturge (Les Justes 1949 ) (), essayiste (Le Mythe de Sisyphe 1942), Prix Nobel de Littérature en 1957.
    Comme tous les Français d'Algérie, il est traumatisé par la guerre d'Algérie dont il ne verra pas le dénouement tragique. Le 4 Janvier 1960, il trouve la mort dans un accident de voiture.
  • L’Etranger publié en 1942 en mm tps que Le Mythe de Sisyphe forme avec Caligula (1938)la trilogie de l’absurde,  ds laquelle Camus exprime sa théorie philosophique selon laquelle psq la vie est absurde, le seul moyen de conjurer cette absurdité est la prise de conscience et la révolte.

·         Dans l’extrait étudié, on se situe une bonne semaine après l'enterrement de sa mère et durant la semaine qui suit son week-end avec Marie. Marie qui est depuis peu la maîtresse de Meursault, exprime dans ce passage le désir de l'épouser. C'est l'occasion d'une confrontation de deux conceptions de la vie.

  • Nous verrons quelle vision de l’amour nous donne Meursault 
  • Pour cela, nous étudierons d’abord l’étrangeté de ce dialogue (I) avant de nous intéresser au personnage lui-même (II)

 

            I.      Un étrange dialogue amoureux

 

A)    Une demande en mariage originale

à faite par Marie, c'est-à-dire la femme

à rapportée par Meursault, majoritairement au style indirect

Ce dialogue multiplie les verbes qui évoquent la parole : « a demandé » (l. 1), « ai dit » (l. 2), « ai répondu » (l. 3), « a-t-elle dit » (l. 6), « ai expliqué » (l. 6), « demandais », « dire », (l. 8), « a observé » (l. 8), « ai répondu », (l. 9), « a parlé » (l. 10), « ai dit » (l. 13), « s’est demandé » (l. 13), « a murmuré » (l. 15), « a déclaré » (l. 18), « ai répondu » (l. 19).

 

B)    Une réponse paradoxale

Seules trois brèves répliques sont rapportées directement et se détachent ainsi du flux dialogué, mettant ainsi en valeur l’étrangeté du personnage principal.:

« Pourquoi m’épouser alors ? » (l. 5), « Non » (l. 9), « Naturellement » (l. 13). La première question souligne ce que l’attitude de Meursault a de paradoxal tandis que les deux réponses de Meursault remettent en cause la valeur traditionnellement accordée au mariage. Meursault se montre parfaitement cohérent : c’est parce que le mariage n’est pas « une chose grave » qu’on peut « naturellement » se marier avec l’une ou l’autre

 

C)    La valeur des silences

Le dialogue est ponctué par trois silences de valeur différente. Le premier marque la surprise de Marie devant le « non » par lequel Meursault refuse d’accorder la moindre valeur au mariage. Le second silence de Marie accuse une incertitude plus inquiétante : Meursault par son « non » refuse l’institution du mariage mais en acceptant d’épouser « naturellement » quelqu’un qui jouerait dans sa vie le même rôle que Marie, il remet en cause la singularité du lien amoureux. Le silence est le temps par lequel Marie prend la mesure de la singularité de Meursault : est-ce le mariage, est-ce l’amour même auquel il resterait étranger ? Le dernier silence, celui de Meursault, diffère des précédents puisque Meursault se tait non parce qu’il réfléchit comme Marie, mais parce qu’il n’a « rien à ajouter ». Pourtant ce n’est pas là sécheresse ou pauvreté. Ce laconisme s’accorde à ce personnage qui refuse les lieux communs, les idées toutes faites, les paroles convenues.

 

 

 

 

         II.      Un personnage étrange

 

A)    Deux conceptions opposées du mariage :

 Marie fait du mariage l’union qui couronne l’amour : elle lie le mariage à l’amour et ne comprend pas qu’on puisse se marier sans être amoureux. L’autre conception, sans doute défendue par Meursault, fait du mariage un rite sans valeur précise, parfaitement indifférent. Marie semble accepter cette conception à la fin de la scène mais au geste qu’elle fait, elle lui prend le bras en souriant, on voit bien que c’est parce qu’elle est heureuse de vivre avec lui qu’elle veut l’épouser.

 

B)    Un personnage à la sincérité blessante

Le mot « bizarre » marque l’étonnement de Marie face à la position adoptée par Meursault. Est bizarre, dit Littré, ce « qui s’écarte du goût, des usages reçus ». Le même article du dictionnaire distingue « bizarre », écart du « goût ordinaire par une singularité non convenable », de « fantasque », écart « par une fantaisie qui tout à coup change d’idée », et d’« extravagant », écart « d’une manière contraire au bon sens ». Le mot est murmuré par Marie qui cherche à saisir la singularité de son amant sans réussir à préciser cette impression : la bizarrerie peut être aussi bien séduisante que repoussante. C’est par ce terme que Marie s’approche de ce qui fait l’étrangeté de Meursault qui reste à l’écart des institutions sociales (funérailles, mariage) qui ne sont pour lui que des rites artificiels auxquels il n’adhère pas. Mais ce refus n’est pas justifié par des discours qui dénonceraient ces institutions et le feraient participer à un échange qui le rapprocherait des autres : la distance qu’il prend spontanément, sans chercher à se justifier par des arguments, est pour ses interlocuteurs comme une langue étrangère. Bizarre, cet homme qui dit « non », « naturellement ».

 

C)    Une nouvelle facette du personnage

Le dialogue étant rapporté par Meursault fait de Marie l’interlocutrice qui est observée du dehors. Et l’on pourrait penser que le récit nous fait adopter le point de vue du narrateur. Mais ce qui fait l’étrangeté de Meursault surgit avec d’autant plus de force qu’il n’y a pas la médiation d’un narrateur qui commenterait éventuellement les remarques de Meursault. C’est ce qui fait la force du dispositif mis en place par Camus : le lecteur se trouve directement confronté à ce qu’il y a de tranquillement irréductible dans le personnage de Meursault.

 

CCL° :

 

  • Synthèse : Cet extrait nous confirme l’étrangeté du personnage principal du roman de Camus, qui refuse tous les rites sociaux, ainsi que l’expression des sentiments, et fait constamment usage d’une franchise désarmante, parfois blessante.
  • Ouverture : Le portrait qui nous est donné ici de Meursault n’est pas sans nous faire penser au poème de Baudelaire, dans les Petits Poèmes en  prose ( qui porte le même titre que le roman de Camus (choisir une citation du texte, par ex. v.1 à 4) :

L'étranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis?
-Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!

 

 
 



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