Supports : Louis-Ferdinand Céline, extraits de Voyage au bout de la nuit (1932).
Problématique : Quelle image de l’homme nous donne Céline à travers ces extraits de son roman ?
Questions
1. Quelle est la thèse défendue par Bardamu dans le premier extrait proposé ? Quels sont les deux arguments qu’il donne pour la justifier ?
Par quels procédés rhétoriques Bardamu cherche-t-il à faire réagir Lola, son interlocutrice ?
2. Quelle idée énoncée par Bardamu dans le premier extrait retrouve-t-on dans le deuxième ? Appuyez votre réponse sur une citation du texte que vous expliquerez.
Quel impact a-t-elle sur le comportement du personnage dans ce deuxième extrait ? Justifiez votre réponse par des éléments du texte.
3. En prenant appui sur vos réponses aux questions précédentes, expliquez en quoi Bardamu apparaît comme un antihéros.
4. Quels éléments du troisième extrait montrent que nous sommes à la fin du roman ? Comment Bardamu analyse-t-il son parcours ? En quoi est-ce profondément désespéré ?
5. Au regard de la réponse à la question précédente, expliquez quelle image de l’Homme nous donne Céline à travers son personnage.
Intro. :
I Une vision de la guerre
1. Quelle est la thèse défendue par Bardamu dans le premier extrait proposé ? Quels sont les deux arguments qu’il donne pour la justifier ? Par quels procédés rhétoriques Bardamu cherche-t-il à faire réagir Lola, son interlocutrice ?
- argument 1 : personne ne se souvient des morts des guerres anciennes : « Vous vous souvenez d’un seul nom par exemple, Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent Ans ?… »
- argument 2 : puisque ces soldats sont des morts anonymes, c’est qu’ils sont morts pour rien…Les causes pour lesquelles ils se battaient n’ont plus aucune importance.
« Voyez donc qu’ils sont morts pour rien, Lola ! »
- discours indirect libre ð donne presque l’impression d’un monologue intérieur
- ponctuation expressive : de nombreuses exclamations, qui montrent la vivacité des propos échangés
- l’éloge paradoxal : « ….vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches », appuyé par le double sens du mot « vivent » = éloge + « survivent » = vivants
- la démonstration par l’exemple : puisque Lola ne connait pas les noms des soldats de la Guerre de Cent ans, c’est qu’ils sont morts pour rien.
- Des comparaisons très imagées : « …plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papier », voire crues « …que votre crotte du matin… »
- L’apostrophe au destinataire, qui concentre son attention (et celle du lecteur) et l’implique : le prénom « Lola » est répété 2 fois.
- L’utilisation d’un vocabulaire dévalorisant pour évoquer les soldats « crétins »
2. a)Quelle idée énoncée par Bardamu dans le premier extrait retrouve-t-on dans le deuxième ? Appuyez votre réponse sur une citation du texte que vous expliquerez.
II Un antihéros
- Lola, représentante de l’opinion de l’époque : la majuscule à « Patrie », l’idée évoquée de la « Patrie en danger ». On voit apparaître aussi le refus du pacifisme, qui assimile ses tenants à des « fous » et des « lâches ».
- en opposition, Bardamu, avec son éloge paradoxal de la folie et de la lâcheté, apparait comme un anticonformiste. « Il n’y a que la vie qui compte ! » déclare-t-il, tant pis pour les grandes idées.
- Un personnage à l’ironie amère : dans le 1er extrait, Bardamu se dénigre systématiquement par l’utilisation d’un vocable péjoratif : « fanfaron », « honteux », « méprisable ».
2. b)Quel impact a-t-elle sur le comportement du personnage dans ce deuxième extrait ? Justifiez votre réponse par des éléments du texte.
- dans le 2ème extrait, il se montre comme une coquille vide : il est incapable de ressentir de l’émotion, ce qui l’empêche de soutenir son ami dans son agonie ; il se sent impuissant, face à la mort : vocabulaire qui dénote la perte « on manque », « pauvre »
4. Quels éléments du troisième extrait montrent que nous sommes à la fin du roman ? Comment Bardamu analyse-t-il son parcours ? En quoi est-ce profondément désespéré ?
- le vocabulaire indique que l’heure du bilan a sonné « Je revenais sur moi-même. », « Mon trimbalage à moi, il était fini », « en définitive »
- les négations avec élision du « ne » montrent une analyse très pessimiste : « j’avais pas réussi », «j’avais même pas été aussi loin que Robinson moi dans la vie »
- l’utilisation du plus-que-parfait qui indique que l’on fait référence à des évènements antérieurs au moment de l’énonciation.
- de nouveau, un vocabulaire extrêmement dévalorisant pour évoquer ses idées ou sa personnalité « pas fières et clignoteuses, à trembler toute la vie », « la peur » qu’il ressent, la comparaison dévalorisante avec Robinson, mais non dénuée d’ironie, puisque celui-ci est assimilé à un « héros juteux », comme un fruit mûr.
CCL°
5. Au regard de la réponse à la question précédente, expliquez quelle image de l’Homme nous donne Céline à travers son personnage
A travers ce personnage qui lui emprunte ses expériences et sa philosophie, Céline nous donne une image de l’homme très pessimiste, qui peut comme l’Aiglon de Rostand, dire qu’ « entre [son] berceau et [sa] tombe, il y a un grand zéro ».
3. En prenant appui sur vos réponses aux questions précédentes, expliquez en quoi Bardamu apparaît comme un antihéros.
Céline crée ici le personnage de l’anti-héros, double négatif du héros de roman, avec lequel il n’a en commun que d’être le personnage principal d’une œuvre romanesque. Contrairement à « l’Etranger » de Camus, qui se révèle comme un héros moderne au moment, où il se révolte et prend conscience de son existence, Bardamu est dès le début parfaitement conscient de ce qu’il est, et sombre volontairement dans le nihilisme le plus sombre.